Découvrant à l’occasion d’un voyage avec nous les caves du Bordelais, le professeur Bai Yongpo (à qui nous devons beaucoup quant à la création et au développement de l’Institut) s’est intéressé de près à la culture du vin. C’était dans ses premiers voyages en France, au début des années 90.
Lorsqu’il est revenu la fois suivante, il nous dit, radieux, qu’il avait réfléchi à un point qui le tracassait, à savoir : dans quelle mesure la médecine chinoise pourrait être vraiment comprise dans un pays comme la France. En repensant à ce qu’il avait compris de notre culture du vin, il s’était senti rassuré. Il lui était apparu comme évident qu’un peuple qui a développé une telle connaissance des différents paramètres intervenant dans la production de vin aux identités aussi variées que fortes, un peuple qui sait relier saveurs et terroirs, était forcément doté d’avantages – si ce n’est de prédispositions – pour comprendre des pans importants de la culture médicale chinoise.
L’importance du terrain, du climat, des saisons de récolte et des modes de préparation des ingrédients de pharmacopée sont des données plus qu’apparentées à celles qui président à l’élaboration d’un bon vin. “Et pour les hommes, c’est pareil” nous avait-il fait remarquer, toujours aussi emballé. “De la même manière qu’un vin reflète un sol, les hommes différent selon les sols, les ciels, les paysages. Si vous connaissez comment les qi du climat agissent sur le vin, collaborent au résultat final, aux arômes, à la charpente, comment pourriez-vous penser qu’il en fut autrement des hommes ? La médecine chinoise considère pour une bonne part les hommes – et leurs maladies – comme la résultante de paysages et d’influences climatiques. Et c’est cet ensemble que vous serez appelés à considérer. A savoir scruter, à savoir lire. J’ai donc toute confiance dans votre capacité à appréhender les choses de cette façon, avec la même attention subtile. Cette attention faite d’entraînement et “d’affûtage” des sens qui vous permet d’exercer votre sagacité à reconnaître un grand cru à apprécier s’il est à son apogée ou sur le déclin.”